Transformation, mutation, révolution… La digitalisation touche l’ensemble des secteurs de l’économie, et les enjeux sont collossaux pour les entreprises. Les modèles opérationnels s’en trouvent bouleversés, tant et si bien que le numérique est l’une des priorités des comités de direction des grands groupes depuis quelques années. Habituées à des process bien établis et qui ont fait leur preuve, il leur est difficile de se digitaliser – d’autant plus que leurs départements et services relèvent souvent de stratégies bien différentes.

Mais quand on parle de numérique, on parle en réalité d’une très large variété de transformations. Elles peuvent concerner les modes de travail des collaborateurs, les politiques d’innovation, la relation client ; avec le plus souvent un impact qui couvre simultanément plusieurs de ces problématiques.

 

Comment s’opère la transformation digitale d’un grand groupe ?

C’est ce que nous allons voir avec Boris Foiselle, Social Business Leader au sein du Digital Office de Solvay – entreprise industrielle de chimie indexée au CAC 40 et qui compte à peu près 30 000 employés à travers le monde.

 

boris-foiselle-digital-solvayComment vous coordonnez vous au sein du Digital Office ?

BF : Le Digital Office, c’est une équipe qui été créé en 2014 avec 8 personnes à travers le monde. L’idée était de créer une équipe pluridisciplinaire avec des rôles divers autour de l’informatique, de l’e-marketing et de la communication. Les profils sont assez différents mais ont tous en commun le côté fonctionnel : il n’y a pas de technicien en soi mais des personnes curieuses et adhérant à cette transformation digitale.

Cette équipe a 4 axes principaux : la collaboration, l’expérience utilisateur, les nouveaux modèles économiques et l’acculturation numérique. L’objectif est de diffuser toute une culture digitale, d’apporter de nouvelles tendances et de nouveaux axes de réflexion. On est également là pour identifier des nouvelles opportunités d’innovation et trouver des partenaires technologiques qui seraient capables de les mettre rapidement en place : étant une équipe jeune et reduite , le but est vraiment d’implémenter des pilotes avec des gains rapides. On est dans un mode “startup” au sein d’un grand groupe.

Ton poste actuel est “Social Business Leader”. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cet intitulé ?

Depuis 3-4 ans, j’ai beaucoup travaillé  sur toute la transformation digitale à travers les plateformes sociales – la “collaboration” étant le sujet où mon expertise est la plus forte. Mais cette année, j’ai également travaillé sur des problématiques de gains de productivité ainsi que sur la mise en place d’une plate-forme pour améliorer la documentation interne. Je touche également à d’autres sujets comme des hackathons, des fablabs, etc. Et avec la RH, je mets en place du reverse mentoring où de jeunes collaborateurs pourront aider les leaders à acquérir une nouvelle culture numérique.

transformation-digitale-collaborateursTravaillez-vous plus sur la transformation interne ou externe du groupe ?

On a 3 domaines d’action. “L’interne” avec la transformation des processus opérationnels (productivité des employés avec notamment des intranets sociaux) et l’utiliser des données de manière plus intelligente et ordonnée. Pour “l’externe”, on pense essentiellement à nos clients, avec un nouveau site e-commerce plus avancée, le mobile et les nouvelles tendances pour drainer de nouvelles ventes et opportunités pour le groupe. Généralement, on teste d’abord en interne avant de se lancer sur l’extérieur.

Enfin, dernier axe et non des moindres : la transformation du groupe, où l’on essaye de changer les mentalités avec des évènements numériques (test de nouveaux objets comme les drones, la réalité augmentée…) et de voir qu’elles pourraient être les nouvelles opportunités par rapport à notre marché.

Le but est-il plus de voir ce qui se fait à l’extérieur pour ensuite l’adapter à votre groupe, ou de développer des solutions d’emblée innovantes et disruptives ?

De par la nature de notre de notre marché (l’industrie), c’est vrai qu’on a toujours été de manière historique des suiveurs par rapport à ce que le B2C pouvait mettre en place. C’est la position la plus “facile”, où il faut dupliquer ce que d’autres ont fait auparavant.

Un deuxième axe serait d’agir par opportunité, donc se focaliser sur un sujet et développer certaines applications pour notre besoin. Ou, dernière axe, être des pionniers et changer la donne par rapport à nos clients et nos distributeurs. Tout cela dépend du budget et des équipes mises sur le sujet. Les leaders se focalisent plus sur les menaces qui pèsent sur nos marchés (“déstabilisation numérique” avec par exemple Uber dans le B2C), mais on reste très réactif et entreprenant face à ces innovations.

digital-office-pionniersComment mettez-vous cela en place dans les faits ?

Avec des équipes agiles, à effectifs réduits. On est vraiment sur un mode beaucoup plus flexible que le reste des départements : notre équipe par exemple n’a pas de budget alloué, et des budgets spéciaux peuvent nous parvenir en fonction des demandes. Ce qui est très différent des équipes classiques qui doivent tout prévoir d’une année sur l’autre.

 

Tu parles des contraintes budgétaires… Quels autres freins rencontres-tu, en interne et en externe ? Tes collaborateurs sont-ils plutôt méfiants ou curieux vis-à-vis de ce que tu entreprends ?

D’emblée, on a déjà un problème de compréhension : les équipes actuelles agissent sur le même mode depuis des années, et les sujets comme le Big Data ou la donnée prédictive par exemple sont nouveaux pour beaucoup… Ce qui suit souvent, c’est la méfiance avec l’arrivée de nouvelles équipes ; voire la peur d’une perte d’emploi quand on parle de robotisation. Également, dans un contexte de réduction des coûts, certains ont du mal à comprendre que nous échappions à cette contrainte. Par rapport à nos leaders, qui sont là pour insuffler le changement, il peut y avoir par moment un manque d’ambition, “le business fonctionnant très bien comme ça”.

A l’inverse, j’ai pu sentir un changement d’attitude très positif : aujourd’hui, il y a plus de curiosité et les collaborateurs sont moins sur la défensive. La création du Digital Office aurait été impossible il y a 5 ans. L’intégration de personnes plus jeunes dans nos effectifs aiderait à sortir de processus organisationnels parfois compliqués et qui bloquent l’innovation. Le secteur du B2B va mettre plus de temps à se transformer que le B2C, il faut savoir être patient.

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