« Pour qu’un robot intelligent soit capable de communiquer et comprendre l’humain il lui faudra être capable d’utiliser son corps et intellect comme un humain le ferait. Il ne s’agit pas seulement de simuler, mais de ressentir, de comprendre les capacités et les limites de l’humain. »
Professeur Fréderic Fol Leymarie du Goldsmith College de l’Université de Londres

Baxter, robot collaboratif et artistique

Bientôt, votre salon sera orné d’une oeuvre d’art signée Baxter ! Baxter n’est pas le dernier peintre à la mode mais le robot artistique développé par les chercheurs du Goldsmiths College de l’Université de Londres en collaboration avec l’Institut Suisse de recherche Idiap. Baxter est capable de graffer avec fluidité avec un crayon, de la peinture et même des lumières néons.

ARVE Error: The [[arve]] shortcode needs one of this attributes av1mp4, mp4, m4v, webm, ogv, url

Dessiner et écrire est un sacré challenge pour les robots.

La calligraphie est un sacré challenge pour les robots. Il faut dire que l’exercice est déjà assez ardu pour nous autres humains. Combien d’années aurons-nous passé à apprendre à manipuler un crayon ? Ou plus difficile encore à former de belles lettres ? Deux ans, dix ans, une vie ? Il en va de même dans la robotique.

Pour explorer les capacités motrices humaines avec précision, l’équipe de Baxter dirigée par le Professeur Fréderic Fol Leymarie s’est inspirée des tags et du mouvement graffiti des années 60. Daniel Berio, développeur et artiste, accompagne également le projet. L’équipe s’intéresse avant tout à l’homme et entend ainsi comprendre comment l’artiste travaille et perçoit sa réalisation au moment où il la produit.

Sylvain Calinon, spécialiste de l’apprentissage automatique des robots à l’Idiap nous partage son approche. « Si notre recherche repose sur l’apprentissage par imitation, nous allons plus loin. Nous nous focalisons sur la relation qui existe entre la dynamique du mouvement et la trajectoire du geste. Nous ajustons nos équations afin de nous rapprocher au plus près du mouvement d’un bras humain. Il s’agit d’une véritable collaboration homme-machine. Les applications ont besoin d’une intégration étroite entre apprentissage et contrôle afin de générer des gestes sûrs et naturels. »

Le chercheur Sylvain Calinon entraînant un robot

Le chercheur Sylvain Calinon entraînant un robot

Les robots étaient jusqu’ici très précis mais également très rigides, ils ne se contentaient que de reproduire l’empreinte d’un stylo ou d’un pinceau. Baxter, avec sa nouvelle approche, apporte plus de fluidité et permet de contrôler la force avec laquelle le robot appuie sur le support. La variation, la coordination et la trajectoire empruntée par le bras du robot imite au plus près celle d’un artiste humain.

Les robots artistiques, vers quelles futures utilisations ?

Depuis l’Université de Londres, le Professeur Frédéric Fol Leymarie nous partage sa passion pour la robotique et l’art et livre ses perspectives d’avenir.

Votre recherche autour de l’art et la robotique date depuis plus de dix ans, quelles évolutions avez-vous pu constater ces dernières années ?

Il est très clair que depuis quelques années, il est beaucoup plus aisé pour un artiste de faire de la robotique sans avoir un background scientifique. En 2009-2010, des plateformes de logiciels open-source sont devenues accessibles au niveau international. Ces dernières sont facilement utilisables par des non-experts à condition bien sûr que les personnes soient attirées par ce genre de technologie. De plus en plus d’artistes vont pouvoir mettre ces technologies au service de leur création et de leur art. La robotique va pouvoir servir toutes formes de pratiques artistiques, de l’architecture à l’artisanat… Et, pourquoi ne pas par exemple combiner un bras robotique et un drone ?

Avez-vous des exemples d’artistes qui œuvrent dans le domaine ?

On entend peut-être moins parler des artistes qui expérimentent leur créativité à travers les robots mais ce sont de grands innovateurs ! Ils écrivent le futur. En 2004, j’ai commencé à travailler avec l’artiste français Patrick Tresset qui a réalisé « Paul the robot ». Il s’agit d’un robot portable composé d’un bras articulé et d’une caméra qui sont liés à un ordinateur. L’artiste a accroché le tout à une table d’écolier en bois pliable. Paul the robot, qui croque des visages, évolue d’année en année. Chaque « Paul the robot » devient une identité unique et par là-même représente une facette de l’artiste. Depuis quelques années, le travail de Patrick Tresset suscite de plus en plus d’engouement. L’artiste était mi-novembre au Musée des Arts et Métiers à Paris et réalise actuellement plusieurs installations avec ses robots.

Robot Paul et Patrick Tresset

Les robots Paul à l’oeuvre devant Patrick Tresset

Je ne connais pas tous les artistes qui travaillent dans le domaine. Personnellement je collabore également  avec Daniel Bério qui s’intéresse quant à lui à davantage à la calligraphie et au graffiti à travers le projet Autograff.

Autograff

Autograff

Existe-t-il d’autres perspectives pour ce domaine très spécifique de l’art et de la robotique ? 

Dans le domaine éducatif, la robotique et l’art pourraient avoir de beaux jours devant eux. Il serait tout à fait envisageable de faire entrer aujourd’hui des robots dans les écoles. Les robots pourraient eux-mêmes apprendre la calligraphie ou le dessin aux élèves. Aujourd’hui, d’un point de vue technologique ce serait possible mais il manque de moyens financiers. Il faudrait également former les instituteurs afin qu’ils puissent interagir avec l’outil et transmettre le bon discours… Il faut dire aussi qu’en Europe nous avons certaines barrières culturelles. Au Japon, par exemple, il existe une grande activité autour des robots humanoïdes et cela ne pose pas de problème.

Je suis tout de même très confiant de l’évolution que prend ce domaine de recherche. Une communauté est en train de se mettre en place et des projets aux quatre coins du globe sont en train de naître. Il faut dire que l’art et la robotique ont toujours inspiré les générations passées…

Retour historique sur les robots collaboratifs dans l’art

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les recherches réalisées sur les robots collaboratifs dans le domaine des arts graphiques ne sont pas un phénomène récent.

L'Ecrivain de Pierre Jacquet-Dro

L’Ecrivain de Pierre Jacquet-Droz, ©www. horlogerie-suisse.com

La première prouesse technique remonte au 18ème siècle. En 1775, l’horloger Suisse Pierre Jacquet-Droz, féru de sciences, d’art et d’anatomie, réalise un automate brillant de complexité et d’ingéniosité. Il se nomme « l’Écrivain ». L’automate, composé de 600 pièces, parvient aujourd’hui encore à écrire un texte aléatoire long de 40 lettres ou symboles. L’habile main droite de « l’Écrivain » écrit son texte sur un papier qui se déplace, suivant le même principe que pour une machine à écrire.

L’oeuvre accompagnée de « la Musicienne » et du « Dessinateur » sont aujourd’hui rassemblées au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel en Suisse.

Au début du 19ème siècle, un compatriote du nom d’Henri Maillardet prend le relais et réalise le « Dessinateur-Écrivain ». Cet automate a alors la capacité d’écrire trois poèmes dont deux en français et un en anglais et de dessiner dans la foulée quatre dessins.

Plus récemment, Harold Cohen sera quant à lui rendu célèbre pour son robot AARON, l’un des premiers logiciel d’art crée en 1968. L’artiste dédiera sa vie à parfaire son invention capable de peindre aussi bien des œuvres abstraites que réalistes.

La recherche dans le domaine des arts graphiques a encore de belles années devant elle et transformera bientôt notre quotidien. Quelle chance auront les générations à venir de pouvoir prétendre dessiner comme Léonard de Vinci !