Un Troll, kesako? Méconnaissance de sa signification ou volonté de discréditer un contradicteur, le terme troll est souvent usité sur les réseaux sociaux à mauvais escient. Décryptage d’une diabolisation 2.0.

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Si l’on se réfère à la définition de Wikipédia, un troll définit celui qui vise à générer une polémique dans les conversations en ligne. La caractéristique du troll est d’argumenter de manière caricaturale, ce qui a pour effet de bloquer la discussion. Mais surtout, le trolling, ou trollage, est une action menée dans l’intention de nuire. Pas joli du tout le troll donc ! On rencontre d’ailleurs souvent cette recommandation « don’t feed the troll », exhortant à cesser tout échange avec le villain. Enfin, le troll ne doit pas être confondu avec le « hater » qui lui ne recherche pas le débat et se contente de poser là son commentaire agressif. Ainsi, comme le résume le chef de l’Internet :

tweet korben

À qui profite le crime ?
Dans ce que j’observe sur les réseaux sociaux, les accusations de trolling sont légions. Or, celles-ci désignent bien souvent un internaute dont le seul tort est d’avoir émis un avis divergent.
Ainsi, les personnes tolérant difficilement une opinion différente de la leur, et qui tendent à considérer un simple contradicteur comme un adversaire, ont à leur disposition une arme redoutable : désigner le poil à gratter comme troll pour le disqualifier à peu de frais. Notre pauvre internaute, maintenant pris dans les filets de l’accusation de trolling, aura beau se défendre et se justifier, l’étau n’en sera que resserré. Il a perdu sa crédibilité, il est mis au ban de la communauté.

tweet Zelda Dorant

Dure loi des réseaux sociaux, dès lors que le mot Troll est lâché, le couperet tombe et signe la fin de la discussion. Nous avions le point Godwin, il est désormais concurrencé par le « point Troll » qui intervient avec la même ferveur dans les conversations.
En poursuivant l’analogie, le point Troll se vérifie dans ces deux lois complémentaires :

« Plus le groupe que vous contredisez est large et homogène, plus la probabilité pour que vous soyez traité de Troll est proche de 1. »

« Moins l’argumentation de l’internaute avec lequel vous débattez est solide, plus la probabilité pour que vous soyez traité de Troll est proche de 1. »

À trop crier au troll, on tue la liberté d’expression.
L’accusation de trollage nous renvoie à un mécanisme vieux comme le monde : la diabolisation. Autrement dit le fait d’accuser injustement d’être le diable. – Vous noterez l’insistance sur le terme « injustement ».-
La diabolisation présente le double avantage de ne pas décrédibiliser celui qui la profère et de jeter l’opprobre sur le contradicteur puisqu’elle insinue qu’il porte de néfastes intentions. Le mécanisme de la diabolisation a ceci de pervers qu’en désignant le contradicteur comme un monstre, il le transforme en objet, le privant de son humanité et de la solidarité de la communauté : « il n’est pas des nôtres ». Et cela légitimise l’agression et la censure du diabolisé – ce qui se traduira par une mise en quarantaine, des agressions verbales, voire des menaces. Victoire par KO.
Mais il y a plus grave et c’est ce qui m’a amenée à rédiger ce billet. Ces procès en diabolisation tuent –virtuellement- le contradicteur, mais tuent surtout le débat d’idées auquel l’accusateur cherche vraisemblablement à échapper. Qui va désormais « oser » exprimer une opinion divergente ? La diabolisation à outrance nous fait courir le risque d’étouffer notre liberté d’expression en imposant une pensée unique.

Sauf…
Sauf si nous, communauté, réseauteur, twittos, modérateur, bref, acteur du web 2.0, ne nous faisons pas complices de cette mécanique et nous interrogeons sur cette accusation lorsqu’elle est proférée. Qui trolle qui ?

tweets Blonde des RH_ 4h18