C’est l’ajout de la connectivité à des objets afin d’en extraire de l’information pour la collecter, et la valoriser permettant ainsi de développer des services à haute valeur ajoutée.

L’internet des objets, est sous le feu de l’actualité, du fait des annonces récentes des opérateurs français qui intègrent  l’alliance LoRa. On entend par ailleurs beaucoup parler de la société française SIGFOX un des leaders sur ce marché actuellement. Mais finalement qu’est ce que c’est que l’internet des objets ? Qu’est ce que LoRa, SIGFOX? Sont-ils vraiment concurrents? Sont-ils le graal de la connectivité des objets ? Comment ça marche et à quel prix? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.

Préambule

L’internet des objets est le support d’une révolution en marche. De nombreux acteurs se positionnent actuellement sur ce tout nouveau marché très prometteur. Pourquoi? Tout simplement parce que les objets connectés connaissent une croissance exponentielle. Selon les analystes, il devrait y en avoir 50 milliards d’ici 2020. La capacité à transformer des produits ordinaires en objets intelligents connectés permet aux entreprises de générer de nouvelles sources de revenus et d’innover. Tout cela est très bien mais pour être connecté, il faut un réseau (filaire ou radio) support des données à transmettre ou à recevoir et dont les débits doivent correspondent aux usages.  On parle alors de connectivité M2M pour Machine To Machine.

 

L'internet des objets : Evolution du nombre d’objet connecté de nos jours à 2020

Evolution du nombre d’objet connecté de nos jours à 2020

Parmi les objets connectés, on pense principalement aux objets grand public tels que les montres, les pèses personne ou même les brosses à dent. Ces objets sont principalement connectés au smartphone ou à votre box internet via un réseau de type wifi ou bluetooth. Ils nécessitent une alimentation électrique ou une recharge régulière des batteries. Leur usage est donc nativement limité dans le temps et dans l’espace vu la faible portée des signaux radio utilisés. Le wifi, le bluetooth et/ou les réseaux GSM support de la 3G et de la 4G, gourmand en énergie et de relativement faible portée ne sont pas adaptés à certains usages. C’est pourquoi, une nouvelle technologie est apparue dans les années 2010 afin de donner la possibilité à certains types d’objets d’être indépendants énergiquement et de pouvoir envoyer régulièrement un faible volume de données. Ce sont souvent des capteurs qui mesurent quelques grandeurs : une température, un niveau d’humidité, un niveau d’éclairage, un niveau sonore, etc.

Les spécificités techniques

Avant de rentrer dans le détail de chacune des technologies, il y a des points communs à tous ces réseaux M2M bas débit.

Tout d’abord la topologie de ces réseaux est similaire. Dans les faits, il suffit d’une passerelle (ou station de base) de la taille d’un attaché-case, émettant sur une bande de fréquence radio et reliée à Internet d’une manière ou d’une autre. De l’autre côté, les objets connectés doivent intégrer une puce compatible à l’une ou l’autre des technologies pour recevoir ou émettre un signal. Celui-ci est conçu pour émettre très loin, en intérieur et même en sous-sol.

Les objets sont connectés en réseau radio sans fil à une ou plusieurs passerelles distantes simultanément en fonction de la densité de la topologie réseau.

La communication des objets est asynchrone : les objets n’émettent que lorsqu’ils ont des données à transmettre, contrairement aux réseaux 3G ou 4G qui doivent se connecter fréquemment afin de se synchroniser. Les données collectées sont centralisées sur des serveurs dans des bases de données. Les applications accèdent aux données via des API (Application Programming Interface) afin de les traiter et de développer les services spécifiques.

L'internet des objets : Schéma de principe d’un réseau LoRa

Schéma de principe d’un réseau LoRa

 

La bande de fréquence utilisée est non licenciée (868 MHz en Europe) et donc gratuite au sens de l’autorité de régulation des fréquences. Mais cela implique deux contraintes : le sens retour (passerelle vers objet) est limité car une passerelle ne peut pas à la fois écouter les messages et émettre (contrainte technique d’étroitesse de la bande de fréquence). De plus une passerelle, comme tout objet, ne peut pas émettre plus de 1% de son temps (contrainte réglementaire sur cette bande de fréquence) soit 14,4 minutes par jour. Plus le réseau est dense, plus il est facile de contourner ces deux contraintes en permettant aux passerelles d’émettre et de recevoir des données a tour de rôle. Par contre, pour les objets, cette contrainte limite de facto la volumétrie des données envoyées.

Le débit et la puissance d’émission s’adaptent automatiquement selon les besoins des objets, afin de limiter la bande passante et donc la consommation. Le débit est amplement suffisant pour transmettre quelques chiffres qui représentent par exemple une consommation d’eau sur un compteur. Ce procédé permet d’économiser de manière significative la durée de vie des batteries. Un objet utilisant ces protocoles peut avoir une durée de vie de l’ordre de 10 ans.

La technologie longue portée permet de couvrir plusieurs centaines de Km². Ainsi, une passerelle peut couvrir en milieu urbain dense de 2 à 5km². Une ville, voire une région peut donc être très rapidement entièrement couverte. A titre d’exemple, Orange a installé 10 000 antennes 4G en France. Le même territoire peut être couvert avec seulement 1 500 antennes LoRa ou SIGFOX.

L'internet des objets : Tableau comparatif des différents réseaux radio en fonction du débit et de la portée.

Tableau comparatif des différents réseaux radio en fonction du débit et de la portée.

 

Enfin, ces réseaux ne sont pas adaptés pour le moment à la mobilité. Du fait du chemin de propagation des ondes en milieu urbain, et dans certains cas, un message émit en 2ième position peut arriver la premier…ce qui peut être problématique pour certains usages.

Pour LoRa comme pour SIGFOX, tout un éco-system est en train de se développer autour de ces technologies et propose :

  • des puces à intégrer dans les objets connectés,
  • des capteurs indoor et outdoor (température / pression / ensoleillement etc)
  • des stations d’émission/réception (passerelle)
  • Des serveurs dédiés IoT (le network server)
  • Des API pour récupérer les données et « dialoguer » avec les objets.

 

LoRa

LoRa (Long Range – longue portée) a été développé par la société américaine Semtech qui avait auparavant racheté la société Française Cycleo en 2012 et inventeur de la technologie.

LoRaWAN est un Low Power Wide Area Network (LPWAN) : un réseau de télécommunication bas débit mais de longue portée utilisé principalement pour la communication des objets connectés. Le but de ce réseau est d’assurer des communications bidirectionnelles sécurisées, mobiles et localisées. LoRa est un protocole, une spécification, permettant à tous les objets d’être interopérables sans installation ni configuration complexe. LoRa est une technologie ouverte. Cela signifie que n’importe quelle entreprise peut créer son propre réseau LoRa puis l’exploiter, après avoir acheté les puces et les passerelles nécessaires au fonctionnement du réseau.

Niveau débits, le réseau LoRa est loin, très loin de la 3G et même de la 2G. Il est question d’un débit compris entre 0,3 à 100Kbps selon les besoins (rappelez-vous les 512Kbits des débuts de l’internet – 5 fois moins rapide).

LoRa permet non seulement la communication  bidirectionnelle mais aussi le multicast à destination des objets qui permet de diffuser des mises à jour de logiciels ou l’envoi de messages en masse vers les objets.

 

Exemple de Puce LoRa

 

Exemple de Puce LoRa de la société Microship et dont la durée de vie est estimée à 10 ans avec une portée de 15km dont le coût est d’environ 10$.

 

 

 

Exemple de Puce LoRa

Autre exemple d’émetteur LoRa de chez Libelium.

 

 

 

 

 

 

 

LoRa Alliance

La LoRa alliance est la réponse principale des opérateurs à l’avancée significative de la société SIGFOX, considérée comme étant la plus avancée sur la technologie de l’internet des objets et actuellement leader dans ce domaine. La LoRa-Alliance est le consortium en charge de diffuser et d’utiliser ce nouveau protocole. Elle met à disposition l’ensemble des spécifications à destination des développeurs. C’est une association à but non lucratif et ouverte dont la seule finalité est d’assurer l’interopérabilité entre les opérateurs, le partage de connaissances et d’expérience.

L’alliance LoRa comprend en tout 127 membres (pour le moment) et notamment Bouygues Telecom, Orange, Sagemcom, mais aussi des poids lourds internationaux comme HP, IBM et Cisco.

La technologie n’étant pas gratuite, chaque composant LoRa doit verser des royalties à la société Semtech, à l’origine de LoRa, pour bénéficier de son usage.

Le fait que chaque opérateur déploie son propre réseau, pose des problématiques de roaming qui correspond au coût entre opérateurs en cas d’utilisation de plusieurs opérateurs pour couvrir un même territoire ou entre deux pays. Compte tenu de la jeunesse de ces nouveaux réseaux, ces questions d’interopérabilité ne sont pas encore réglées.

 

 

SIGFOX

SigfoxSIGFOX se présente comme la première et seule société internationale de l’internet des objets. La société a été fondée par Ludovic Le Moan en 2009.

SIGFOX permet des communications bidirectionnelles ainsi que monodirectionnelles et peut coexister avec d’autres protocoles de communication avec des bandes passantes étroites et larges.

Les débits sont de 140 messages x12 octets/jour/objet (soit 1 message de 12 caractères toutes les 10 minutes environ) dans le sens objet vers serveurs et de  4 messages x8 octets/jour/objet dans l’autre sens.

SIGFOX a développé son propre protocole (protocole propriétaire déposé UNB – Ultra Narrow Band) mais permet à des partenaires de développer leurs propres équipements « SIGFOX » compatible. C’est par ailleurs un axe de développement fort de SIGFOX afin de diffuser le plus largement possible leur propre technologie. Dans ce cas, l’intégration est gratuite (contrairement à LoRa qui nécessite de verser des royalties à Semtech). Il s’agit du programme appelé « SIGFOX ready ». Comme pour LoRa, un écosystème complet se développe autour de cette technologie.

 

puce SIGFOX Ready

Exemple de puce « SIGFOX Ready » de la société Silicon Labs.

 

 

 

 

puce SIGFOX ReadyAutre exemple d’émetteur « SIGFOX Ready » de chez libelium.

 

 

 

 

 

 

 

SIGFOX est présent dans 9 pays actuellement. En France SIGFOX utilise les points hauts de TDF pour assurer la couverture réseau.

Le déploiement rapide dans les autres pays est réalisé grâce à des partenaires locaux désireux d’investir dans l’infrastructure et permettant de s’implanter rapidement dans le pays cible. Dans ce cas, le partenaire s’engage à réaliser l’infrastructure, à la maintenir et à proposer localement l’écosystème SIGFOX.

La particularité de SIGFOX est que la société propose un système complètement intégré et propriétaire alors que LoRa est un protocole déployé par chaque opérateur suivant des modalités techniques et tarifaires propres. L’intégration avec LoRa entre pays peut donc poser un problème contrairement à SIGFOX pour les pays où le réseau est déployé bien entendu.

 

Conclusion

Comme on peut le voir, ces deux réseaux dédiés aux objets connectés ne sont pas utilisables pour tous les besoins mais répondent à une nécessité de grande autonomie et de transmissions de données de faible et très faible quantité. Ces réseaux sont par contre déployable rapidement du fait d’un nombre de passerelles relativement faible pour couvrir un grand territoire.

Il est très difficile actuellement d’avoir des précisions des opérateurs et de SIGFOX sur les modalités tarifaires. SIGFOX annonce un coût annuel entre 1 et 14€ par objet connecté en fonction du nombre d’objet connecté à déployer. Pour SIGFOX, le prix par objet et par an est connu d’avance et dépend de la flotte déployée, ce qui est très rassurant pour les industriels et les développeurs d’applications utilisant ces objets. Les tarifications LoRa dépendent de chaque opérateur et nécessitent actuellement des devis personnalisés ne permettant pas d’avoir des éléments comparatifs fiables.

Suivant l’usage de l’objet connecté, la technologie de SIGFOX peut être insuffisance en termes de nombre de messages d’échanges. On privilégiera dans ce cas des solutions comme LoRa. Par contre, si le débit nécessaire est proche des débits proposés par SIGFOX, les tarifs annoncés sont de loin les plus compétitifs actuellement (on parle de connectivité low-cost).

Comme tout marché émergeant et en forte croissance, il existe d’autres acteurs moins connus comme Qowisio qui a des propositions intégrées de services de connectivité ou bien Weightless-N autre protocole radio similaire à LoRa (mais non encore déployé actuellement). Enfin, de nouvelles normes sont en cours d’élaboration. On parle d’évolutions de la 2G (et donc l’ancêtre de la 3G) qui sera très prochainement testée mais aussi de la 5G avec un volet de la spécification dédié aux objets connectés dit « critiques » (comme par exemple des contrôles commandes ou de la télésurveillance).

Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l’internet des objets où aucune norme d’usage n’est encore dominante. C’est donc un marché en pleine croissance qui va connaitre dans les toutes prochaines années de forts mouvements. A surveiller…