La bonne santé du e-commerce s’est encore confirmée en 2016 avec une croissance à 12% et un chiffre d’affaires de plus de 70 Milliards d’Euros. La tendance n’est pas prête de s’inverser. Les commerçants traditionnels ont d’ailleurs compris depuis longtemps qu’ils ne peuvent se passer d’une présence en ligne. On compte aujourd’hui 200 000 sites marchands en France.

Le renouveau de la boutique physique

Pourtant, on assiste depuis quelque temps à l’émergence de boutiques physiques de marques nées du digital. La tendance, touche surtout les secteurs de l’High-tech (LDLC), de l’Habillement/ Accessoire (Spartoo, Sezane, Sensee) et de la Décoration (la Redoute Interieurs / AMPM, Made.com, Milliboo…). Même les « Box » s’y mettent à l’image de Birchbox qui prévoit de s’installer en février à Paris.

Et Amazon, géant du e-commerce et champion de la communication qui ambitionne l’ouverture de 2000 magasins en Amérique du Nord dans les prochaines années.

L’arrivée de pure players en physique n’est pas nouvelle et reste encore peu répandue pour des raisons de coûts. Elle mérite toutefois notre attention car elle interroge sur le renouveau et le rôle de la boutique « en dur » dans nos sociétés ultra-connectées. Paradoxalement le consommateur plébiscite le retour aux valeurs du commerce traditionnel. Son comportement, en revanche change. Les expériences en boutiques sont multiples mais les raisons des pure-players qui s’y mettent convergent.

Etre OMNICANAL induit aussi le “physique”

Nous assistons à la synchronisation de tous les canaux de communication et de vente. Quel que soit l’ADN de la marque, pure player ou non, les silos s’effacent pour une relation client globale et plus engageante. La marque doit avoir la bonne réponse au bon moment. Ainsi fidéliser et conquérir de nouveaux clients nécessite de solliciter tous les points de contacts cohérents entre la marque et le shopper. N’oublions pas que 70% des consommateurs se rendent en magasins avant d’acheter sur internet. A l’inverse, 92% d’entre eux se renseignent sur internet avant d’acheter en magasin. C’est le principe du ROPO (research on – purchase off / research off – purchase on).

Pour les acteurs du e-commerce, une boutique physique représente une voie complémentaire à une offre en ligne beaucoup plus large pour toucher une clientèle peu familière aux sites marchands. Une opportunité de se reconnecter à la vie réelle.

Le web, pensé pour l’achat sans pénibilité, la boutique physique destinée à offrir une expérience de la marque.

 

Recréer du lien avec le client  

Le magasin ne doit plus seulement être pensé comme un lieu pour acheter. » Catherine Barba, Fondatrice de PEPS Lab et CB Group

A la fois connecté, exigeant et renseigné, qu’attend le consommateur ? Une réponse adaptée, un service impeccable, des prix justes, la bonne affaire. Mais cela ne suffit plus pour choisir entre le bon produit et le même bon produit concurrent. Pour se démarquer, il faut jouer sur la préférence de marque. L’expérience client au service de l’engagement.

Ce petit plus pour incarner la marque

Initiée en 2015 avec sa marque AMPM, la stratégie d’ouverture de magasins du groupe s’est encore étendue en mars dernier avec l’ouverture à Paris de la première boutique La Redoute Intérieurs. Dans ce nouvel espace, la marque ne se contente pas de mettre en scène les produits et ambiances phares de la marque. Elle propose aussi des rencontres avec les designers et des séances de coaching déco. Moyen de faire écho aux aspirations d’une clientèle « déco lover ». Et surtout créer l’envie de revenir.

La Redoute - E-commerce et boutique

“Le magasin permet d’apporter une dimension humaine et de renforcer la qualité de services proposés au clients”. Philippe Berlan, DGA du Groupe La Redoute

 

Lieu de vie et non plus seulement lieu de vente

L’inauguration du showroom Made.com rue Etienne Marcel à Paris avait de quoi étonner. Car la marque s’est construite exclusivement grâce au web avec un business modèle basé sur l’absence d’intermédiaire afin de rendre les meubles design accessibles à tous. Pourtant l’expérience fonctionne déjà à Londres, Milan et Amsterdam. Vous rentrez dans cet espace et vous devriez passer un bon moment. Vous repartirez les mains vides si ce n’est avec des échantillons de tissus présentés sur un mur géant. Aucun prix n’est affiché. Des tablettes, des ordinateurs sont mis à disposition pour consulter l’ensemble de l’offre et passer commande. Toutes les informations sur les produits sont disponibles via une table interactive. Les meubles sont exposés pour être utilisés et non vendus directement. Vous pouvez vous installer à un bureau et travailler, vous asseoir sur un canapé et discuter avec vos amis en buvant un café. L’équipe est exclusivement dédiée au conseil.

MadeExperience

Et dans cet espace de 840m2, des collaborations ponctuelles avec des créateurs, des artistes, des fleuristes… devraient encore alimenter l’expérience client. Made.com a voulu créer un espace convivial, premium et sans pression de l’achat. Pariant que le client se fera ambassadeur de la marque. Jouer sur l’image et susciter une présence à l’esprit qui fera la différence au moment de l’acte d’achat. L’avenir nous dira si ce modèle est rentable en France.

Essayer et pouvoir être conseillé

Spartoo

« Dans la chaussure, les pure players ne répondent qu’à une petite partie de la demande. Le web est anecdotique et risque de vite atteindre ses limites » Jérôme Chevat Directeur commercial Spartoo

 

Le taux de transformation en magasin, supérieur à celui du e-commerce, prouve que toucher, essayer le produit et être conseillé restent des éléments déterminants dans l’acte d’achat. Un levier que ne peuvent offrir les sites marchands. C’est notamment le cas dans le secteur de l’habillement. Le cas Spartoo est assez emblématique. La marque vise l’ouverture de 100 magasins en France d’ici 2020.

Pour continuer à se développer, le site a entamé son implantation physique en 2015 à Grenoble. Forte des enseignements tirés des datas, l’offre du magasin présente les produits du site les plus achetés par les habitants de la ville. Chaque point de vente proposera donc une sélection différente et adaptée à son environnement. Avec toujours cette possibilité de consulter via des tablettes les 70 000 références disponibles online.

L’innovation, le point fort des acteurs du e-commerce

 « L’innovation, l’invention du magasin de demain, a de bonnes chances de venir d’un pure player : ils ont une culture de R&D et une propension à remettre en cause les vieilles idées bien supérieure à celles des retailers classiques « . Cédric Ducroq, Président du Groupe Dia-Mart

Fidèle à ses origines digitales, le e-commerce modernise le visage du retail classique car il maitrise les nouvelles technologies. Les magasins physiques doivent alors s’adapter afin d’offrir aux shoppers les mêmes services qu’ils peuvent trouver en ligne.

De là est née la notion de phygital, contraction entre « physique » et « digital ». La digitalisation du point de vente est un moyen de s’adapter aux nouvelles attentes des clients, créer du trafic et transformer la visite en acte d’achat. C’est alors qu’apparaissent des services comme le « clic & collect », la e-reservation, le paiement mobile (pour éviter l’attente aux caisses) … Premier acteur de la révolution du e-commerce, Amazon invente le magasin autonome.

Gadget ou valeur ajoutée ? Intelligence artificielle, vitrines, bornes et cabines d’essayage interactives, casques de réalité virtuelle, reconnaissance faciale… L’expérience client devient ludique. Le risque est de confondre service et gadget. Ces technologies ne peuvent évidemment pas s’appliquer partout au risque de produire l’effet « too much » et un rejet de la part du consommateur.

 

Quelle rentabilité ?

Pour le moment, difficile de savoir si le succès de ces stratégies sera au rendez-vous. Des modèles comme Vente-privée ont prouvé que l’on pouvait réussir sans se lancer dans le commerce physique. Les avis divergent sur la rentabilité d’investir le physique pour des sites marchands.

Les leviers de croissance seront possibles pour ceux qui sauront bien identifier le sens à donner à l’expérience client en boutique. Etre complémentaire de l’offre digitale, rester cohérent avec l’identité de la marque et proposer une valeur ajoutée qui fait la différence avec l’usage de l’achat sur le web.

Ce qui est certain c’est qu’une mutation du commerce est en train de se produire pour le plus grand bien du consommateur qui gagnera en service et en proximité.

 

Sources : LSA – Fevad – Xerfi Canal – JDN – HubInstitute